En Russie, Svetozar Rusakov (1923-2006) est un artiste à la fois très célèbre et totalement inconnu. Du temps de l’Union Soviétique, son travail était apprécié de tous, car il est l’un des auteurs du dessin animé, « Nu pogodi » (« Attends donc voir », sorte de « Titi et gros minet » soviétique). Svetozar en a dessiné tous les personnages.
Il a consacré la majeure partie de sa vie au dessin animé en travaillant plus de 30 ans pour l’Union du film d’animation. En 1986, il a été lauréat du Prix national. Il était membre de l’Union des artistes et de celle des cinéastes.
Et pourtant, il existe une partie plus intime de son travail qui est restée largement méconnue. Les matériaux et les techniques utilisés sont des plus divers, mais la méthode est toujours celle du alla prima, lorsque les œuvres sont réalisées de manière instantanée sous l’action de l’émotion dégagée par la musique classique. Parmi ces travaux, on trouve des paysages de Russie, des portraits grotesques, des scènes de genre ou des fantaisies sur des motifs bibliques, antiques, folkloriques ou littéraires. C’est ce travail qui doit être considéré comme le cœur de sa création. Les spécialistes pensent justement que la révélation de ce versant de son œuvre devrait amener à la découverte d’un artiste majeur.
» Je ne connaissais absolument pas cet aspect du travail de Svetozar, s’exclame Youri Nordstein. J’ai été particulièrement frappé par ses portraits. Certains sont de genre grotesque, d’autres sont des réalisations tout à fait classiques. Cet autoportrait, par exemple, est stupéfiant. J’ai aussi été surpris par ses oeuvres mythologiques. Ce sont des interprétations extrêmement libres des Évangiles et de la mythologie grecque. Svetozar fait preuve aussi d’une tenue formelle délicate inhabituelle.
Je crois qu’il était un peu fatigué du Loup et du Lapin (personnages principaux du dessin animé « Nu pogodi »). En fait, il dessinait ces personnages d’animation avec brio et avec une grande liberté, alors qu’avec la mythologie, il n’avait pas cette latitude. On dirait qu’il atteint ici le noyau et le plus brûlant de son oeuvre. Et là, il faut être extrêmement vigilant. C’est comme si vous aviez un papillon dans la paume de votre main que vous deviez souffler sans perdre le pollen ! Et il tenait l’aile du papillon dans la main, il avait le souffle qui est absolument unique… C’était un immense artiste. »